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Parution du nouveau livre « Musiques et musiciens des fêtes urbaines et villageoises en France (XIVe-XVIIIe siècle) » de Luc CHARLES-DOMINIQUE

Parution du nouveau livre « Musiques et musiciens des fêtes urbaines et villageoises en France (XIVe-XVIIIe siècle) » de Luc CHARLES-DOMINIQUE

Professeur émérite d’ethnomusicologie à l’Université Côte d’Azur, membre honoraire de l’Institut Universitaire de France, Luc Charles-Dominique est l’auteur de nombreuses études (articles et ouvrages) relevant de l’anthropologie musicale historique, de l’ethnomusicologie de la France et de l’anthropologie des formes modernes de la patrimonialisation musicale.

Il vient d’éditer un nouvel ouvrage « Musiques et musiciens des fêtes urbaines et villageoises en France (XIVe-XVIIIe siècle) ». Il s’agit de la réécriture complète et très augmentée d’une nouvelle histoire des musiques de ménétriers dans les diverses régions françaises.

 

« Musiques et musiciens des fêtes urbaines et villageoises en France (XIVe-XVIIIe siècle) » de Luc CHARLES-DOMINIQUE

Brepols (Turnhout, Belgique), coll. Epitome musical (dir. Philippe Vendrix et Ph. Canguilhem), 1064 pages.

190 x 290 mm, 39 ill. N&B, 135 ill. coul., 58 tableaux N&B, 1 tableau coul., 2 cartes coul.

 

EN SAVOIR + : https://www.brepols.net/products/IS-9782503611891-1

 

PRÉSENTATION DÉTAILLÉE DE L’OUVRAGE DE L’AUTEUR

 

Cet ouvrage constitue le second et dernier tome du projet de recherche Histoire générale et anthropologie des musiques populaires en France, que j’ai initié en 2013 dans le cadre de l’Institut Universitaire de France. Dans le premier volet de ce programme (Les « bandes » de violons en Europe : cinq siècles de transferts culturels. Des anciens ménétriers aux Tsiganes d’Europe centrale, Brepols, 2018, 676 pages), il s’était agi d’étudier un objet organologique, la bande de violons, « instrument collectif » ayant voyagé, depuis le XVIe siècle, à travers le temps et les cultures européennes, et s’étant maintenu jusqu’à nos jours par endroits, ce qui a pu permettre, à certaines conditions, une réflexion régressive sur le jeu ancien des bandes ménétrières occidentales et notamment françaises, principalement du XVIe à la fin du XVIIIe siècle. 

 

Le présent ouvrage, lui, s’est fixé comme objectif de réexplorer, trente ans après, l’histoire des ménétriers et de leurs musiques en France, du Moyen Âge à la fin du XVIIIe siècle, sur des bases nouvelles, à partir d’une documentation totalement renouvelée et considérablement accrue.

 

En effet, les trente années qui séparent la présente édition de celle des Ménétriers français sous l’Ancien Régime (Paris, Klincksieck, 1994) n’ont jamais vraiment connu de pause dans cette recherche, avec une forte accélération à partir de 2013, au moment du lancement de mon projet de recherche à l’IUF. Alors qu’en 1994, je ne possédais que les statuts des ménétriers de Paris (1321, 1407 et 1658), Toulouse (1492 et 1532), Bordeaux (1621) et Orléans (1560), cette documentation s’est enrichie de nouveaux statuts corporatifs et confraternels pour Paris (1747) et Bordeaux (1614) et quatorze nouvelles villes, certaines étant documentées par plusieurs versions statutaires différentes au cours de leur histoire (jusqu’à cinq). D’autre part, j’ai mis en évidence l’existence de confréries professionnelles dans cinq autres villes, mais sans qu’on en connaisse les statuts. Outre les statuts corporatifs, j’ai pu retrouver et collationner plusieurs blasons, sceaux et médailles de communautés ménétrières urbaines. Par ailleurs, l’existence et le jeu des bandes ménétrières sont aujourd’hui bien documentés dans quarante-deux villes françaises, de même que ma recherche a sensiblement progressé dans le domaine de l’inscription des ménétriers dans la topographie urbaine médiévale et d’Ancien Régime, avec d’un côté les rues de jongleurs et de ménétriers (onze villes) et de l’autre les églises et chapelles dans lesquelles ils se réunissaient (neuf villes). 

 

Au-delà, de nouveaux questionnements sont apparus, parmi lesquels :

 

— une réflexion accrue sur les diverses formes d’organisation collective chez les ménétriers (corporations, confréries, associations temporaires) ou de non-organisation (communautés informelles), et sur le rapport que ces musiciens entretiennent avec ces institutions, souvent contournées ou tout simplement ignorées. 

— la question de la territorialisation des musiques ménétrières, non seulement celle de l’organisation pyramidale de la Ménestrandise, mais aussi celle du rapport des joueurs d’instruments à leur territoire de pratique, espace vécu, citadin comme rural, français comme plus largement européen, révélant parfois de véritables foyers de pratiques, même dans des endroits reculés et assez peu peuplés (cette esquisse d’une géographie ménétrière en France fait l’objet des quelques 180 pages de la seconde partie).

— les diverses formes de mobilité et les types de musiciens qui leur sont rattachés, en particulier les joueurs d’instruments gyrovagues, artistes forains, musiciens de troupes théâtrales itinérantes. L’accent a été mis tout particulièrement sur le personnage de l’aveugle musicien, généralement itinérant et mendiant, sur la fabrication (institutionnalisation) et la généralisation de cette cécité musicienne. 

 une analyse fine des divers profils sociaux de ménétriers, notamment à partir de leur éventuel statut d’officiers, cette étude prenant en compte les questions délicates de la pluriactivité, classiquement considérée – à tort – comme illustrant une certaine forme de « semi-professionnalisme » ménétrier (les notions de « métier », de « profession » ou à un niveau différent, « d’état », « d’art », « d’office » ont été également renseignées et discutées). Une approche genrée des pratiques ménétrières (joueurs/joueuses d’instruments et maîtres/maîtresses à danser) a également été abordée, malgré une documentation moins fournie à ce sujet. Enfin, leur volonté de reconnaissance et d’appartenance à la communauté instrumentale tout entière a renforcé chez les ménétriers leur sentiment d’honneur et leur quête de respectabilité. 

 une étude détaillée des instruments ménétriers, en particulier de leur type (« hauts » ou « bas » ?), de leur statut (symbolique et patrimonial) et de leur rapport aux musiciens (sont-ils leur propriété ou appartiennent-ils à des institutions, villes, cours et autres ?). Leur mode d’acquisition et leur facture ont été particulièrement étudiés.

— l’inscription de la musique des ménétriers au cœur de la vie sociale et politique, beaucoup plus systématiquement étudiée qu’il y a trente ans (à cet égard, l’étude des rapports de cette musique avec les pouvoirs, les élites et le mouvement normatif des académies, relève de l’histoire culturelle et de l’anthropologie politique). La volonté d’examiner ces pratiques selon une typologie détaillée, contexte par contexte, territoire par territoire, fait de cet ouvrage, toutes proportions gardées, une sorte de « Manuel français », non pas de « folklore contemporain » (Van Gennep), mais de « musiques ménétrières historiques ».

— la dimension prosopographique (et locale), avec 53 tableaux fournissant les noms, spécialités et dates de plus de 3 000 ménétriers, par villes et provinces, hors Paris (en comptant ceux de la capitale, ce sont près de 4 000 ménétriers qui sont recensés et nommés). 

 

Certains aspects de cette recherche ont été conduits en collaboration étroite avec un certain nombre de chercheurs en régions, que je salue et remercie.

 

Enfin, 2 cartes (les 47 « Villes majeures » ménétrières en 1747 ; Les – 40 environ – corporations et confréries de ménétriers en France, du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime) et 135 illustrations (N. & B et couleurs) viennent enrichir la lecture synoptique de l’ouvrage.

 

Ce livre n’est donc pas la simple réécriture, revue et augmentée, d’une histoire musicale en partie traitée il y a 30 ans. Il est l’expression d’un nouveau regard et d’une nouvelle approche.

 

La méthode s’est appuyée sur la mise en exergue et la discussion des paradoxes, la déstabilisation des catégories préétablies, l’observation minutieuse des situations interstitielles, aux confins des groupes sociaux, des pratiques culturelles, des objets catégorisés et des classes qu’ils forment (ainsi, la pratique, certes marginale mais presque ménétrière, de certains régents d’écoles dès le XVIIe siècle, venant déstabiliser et enrichir la perception classique que l’on a de la Ménestrandise française). Pour cela, il a fallu d’une part conduire les observations aussi bien dans les grandes villes que dans les espaces les plus reculés de la ruralité, et notamment sur les axes de mobilité et de migrations qui les relient, et d’autre part interroger aussi bien les fonds classiquement investigués lors de toute recherche en histoire sociale et culturelle que ceux, plus périphériques, contenant les traces d’individus et de pratiques musicales à la marge. Au contraire des perceptions binaires enfermant les pratiques musicales dans des univers sociaux et culturels différenciés et étanches, et instaurant des formes artificielles de partage dans les domaines de l’écriture ou de l’oralité ou encore du « populaire » ou du « savant » (jongleurs vs ménestrels, Violons du Roi vs « violoneux de carrefours », violonistes vs racleurs, savant vs populaire, écrit vs oral, religieux vs profane, sédentaire vs nomade, etc.), les situations complexes et paradoxales qui viennent d’être évoquées révèlent de nombreuses porosités sociales et culturelles (voir par exemple la délicate question des dénominations historiques de musiciens – ménestrels, ménétriers, joueurs d’instruments, « symphonistes », « musiciens », « joueurs de… », etc. – à travers leurs étymologies et usages sociaux, longuement étudiée au début de la première partie). Ces diverses formes de perméabilité apparaissent tout au long des 7 parties de cet ouvrage (notamment la réelle imprégnation de l’écrit et des répertoires « savants » dans les musiques de ménétriers, et les liens de ces derniers avec les musiciens et musiques de cours et d’églises).

 

C’est précisément la complexité de cette histoire qui m’a incité à la réexplorer, ceci afin d’améliorer la connaissance du fonctionnement social de ces époques anciennes et de la place qu’y tenaient ces pratiques musicales, encore assez largement méconnues malgré leur centralité sociale et sociale.

 

L’histoire des ménétriers français que j’ai publiée il y a 30 ans me paraissant aujourd’hui complètement dépassée, je forme le vœu que ce nouvel ouvrage la remplacera auprès de celles et ceux qui auront à cœur de (re)découvrir cette page particulière de notre histoire musicale et culturelle.

 

Luc CHARLES-DOMINIQUE
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Professeur émérite d’Ethnomusicologie
Université Côte d’Azur (Nice)
Membre honoraire senior de l’Institut Universitaire de France